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La création de l'univers à nos jours
8 avril 2022

an 2021 - Dix ans après Fukushima, les Français sont redevenus favorables au nucléaire

Dix ans après Fukushima, les Français sont redevenus favorables au nucléaire

11 mars 2021

3 minutes de lecture

Bidons déchets nucléaires

Selon la dernière vague d’un sondage annuel de l’EDF sur l’image dans l’opinion de l’énergie nucléaire, les craintes et le désamour profond d’il y a dix ans, au lendemain de l’accident de Fukushima, ont fait place a plus de confiance. Il semble surtout que les Français considèrent que le nucléaire garantit la production d’électricité encore plus indispensable avec la transition énergétique.

Le niveau d’information de l’opinion en France sur l’énergie nucléaire, ces avantages et inconvénients, est assez catastrophique. On peut même parler de lavage de cerveau. On se souvient encore de ce sondage BVA de 2019 dont il ressortait dans l’esprit d’une grande majorité de Français (69%) que les centrales nucléaires contribuent au réchauffement de la planète. Ce qui est totalement faux. Les émissions de gaz à effet de serre des centrales nucléaires, qui posent d’autres problèmes, sont minimes. Elles correspondent à 12 grammes par kWh produit, l’équivalent de ce que rejettent dans l’atmosphère les éoliennes (11 grammes)! Et compte tenu du mode de fabrication des panneaux solaires, très coûteux en énergie et matières premières, ils rejettent quatre fois plus par kWh (45 grammes). Quand au gaz naturel, le niveau est de 490 grammes par kWh. Plus préoccupant encore, les moins bien informés parmi les Français étaient les plus jeunes. Toujours selon le sondage BVA de 2019, 86% des 18-34 ans interrogés jugeaient le nucléaire néfaste pour le climat!

On pouvait donc s’attendre logiquement, dix ans après l’accident de Fukushima, que l’image de l’énergie nucléaire soit particulièrement dégradée. EDF qui réalise depuis des années un sondage sur la perception qu’ont les Français de cette source d’énergie, avait bien mesuré l’impact de la destruction en mars 2011 de la centrale japonaise. En juillet 2011, la part des Français qui voyaient dans le nucléaire une énergie d’avenir avait brutalement dégringolé de 52% un an plus tôt à 34 %. Et 46% des personnes sondées se montraient résolument opposées à cette source d’énergie contre 34% en 2010.

Mémoire courte

Mais l’opinion a la mémoire courte et n’est pas à l’abri des contradictions. En 2021, selon la dernière vague du sondage réalisée en février, 43% des personnes interrogées estiment que le nucléaire est une énergie d’avenir, et 30% des sondés sont convaincus du contraire. Didier Witkowski, responsable des études à EDF, explique au Point en s’en félicitant que le niveau d’opposition n’a jamais été aussi bas depuis 1986, c’est-à-dire depuis la catastrophe de Tchernobyl qui contrairement à celle de Fukushima a été meurtrière. Si le tremblement de terre du 11 mars 2011 et le tsunami qui a suivi ont tué 19.000 personnes au Japon, l’accident de la centrale de Fukushima n’a fait directement et indirectement aucune victime selon les enquêtes de l’ONU, directe et indirecte via les radiations. Ce qui n’a pas empêché l’accident d’avoir un impact considérable sur le développement de l’énergie nucléaire au Japon et dans le monde. De nombreux pays ont gelé leur programme nucléaire civil ou décidé de renoncer à cette forme d’énergie, à l’image par exemple de l’Allemagne.

Mais il semble aujourd’hui que dans la perception des Français, la sécurité de l’approvisionnement électrique soit devenue une question majeure, d’autant plus que la transition énergétique signifie une utilisation accrue dans de nombreux domaines de l’électricité. D’après le sondage, pour 48% des personnes interrogées la garantie de fourniture est un argument fort en faveur du nucléaire (+ 2% en un an) et 46% apprécient également la souveraineté énergétique qu’il assure à la France (+ 5 %).

Le monde d’après Hiroshima: comment le nucléaire est entré dans notre quotidien

 La rédaction

11 août 2020

10 minutes de lecture

Nuage atomique au-dessus Hiroshima (from_Matsuyama) Wikimedia Commons

Comment après Hiroshima le nucléaire militaire et civil a pu s’installer durablement dans nos sociétés? Et cela, en dépit de la culture du déni et du secret dont il est souvent entouré.

Le 8 août 1945, soit deux jours après qu’un avion B-29 américain Enola Gay ait largué la première bombe atomique sur Hiroshima, Albert Camus écrivait dans l’éditorial du journal Combat: «la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques

Il n’était pas le seul à être terrifié par le pouvoir d’anéantissement de cette arme nouvelle. Bien d’autres intellectuels français ou étrangers –François Mauriac, Bernard Charbonneau, Lewis Mumford, Gunther Anders ou Michel Serres– ont pensé Hiroshima comme un événement qui marque non seulement la fin de la Seconde Guerre mondiale mais aussi comme un tournant historique tel que le monde d’après ne pourrait plus ressembler au monde d’avant.

Et pourtant le nucléaire militaire et civil s’est installé durablement dans nos sociétés, dans les pays vaincus comme chez les vainqueurs. Le Japon qui a éprouvé la violence soudaine de l’explosion atomique et la violence rampante, sourde et insidieuse, des effets des radiations sur des centaines de milliers de victimes, n’a pas hésité à s’équiper de centrales nucléaires dès les années 1950, résolu à jouir du confort moderne en consommant biens et produits. Et le programme nucléaire national a été soutenu par une grande partie de la population japonaise, y compris parmi les victimes d’Hiroshima et Nagasaki.

Comment comprendre un tel choix technologique quand on a été témoin et victime du potentiel destructeur de l’atome, quand l’électricité abondante et gratuite n’était qu’une promesse alors que les souffrances des victimes des deux bombes étaient une réalité quotidienne ?

En 2011, l’accident de Fukushima venait rappeler la violence des réactions atomiques. Mais cette catastrophe, comme les précédents accidents de Three Mile Island (1979) ou de Tchernobyl (1986), semble à peine avoir ébranlé l’optimisme de l’âge du nucléaire. 75 ans après on peut s’interroger.

Comment l’atome a-t-il pu être pacifié, domestiqué au point de s’inscrire dans les paysages quotidiens et familiers de la France profonde et de pourvoir à la vie ordinaire de nombreux citoyens?

Le poids des mots, des images et des catégories

«Atoms for Peace», ce slogan lancé par le président Eisenhower en 1954, alors même que les États-Unis multipliaient les tests de bombe H dans le Pacifique, a fonctionné comme un mot d’ordre ralliant politiques, scientifiques et ingénieurs pour construire des centrales nucléaires. Il instaure un clivage entre usages guerriers et pacifiques de l’atome.

Comme nombre de ses collègues Frédéric Joliot-Curie a voulu pacifier l’atome, nucléariser la France tout en militant contre les armes nucléaires. L’atome devint ainsi l’archétype des «technologies duales» susceptibles de servir à des fins de guerre comme au mieux-être.

Ce concept suppose que les technologies nucléaires sont intrinsèquement neutres, et que seul l’usage que l’on en fait conduit au bien ou au mal. Durant la Guerre froide, on a pu ainsi justifier la course aux armements, au nom d’un impératif de survie car les méchants sont toujours les «autres».

Cette externalisation permet encore aujourd’hui de dénoncer et contrôler les programmes nucléaires des «États voyous», jugés irresponsables en raison d’intérêts géopolitiques ou de préjugés racistes ou religieux.

Le Peace Memorial Park, inauguré à Hiroshima en août 1955, illustre le pouvoir de clivage du dispositif «technologie duale». Hiroshima est devenu le sanctuaire mondial du pacifisme, point de ralliement des militants pour le désarmement nucléaire. Mais le musée fait silence sur le nucléaire civil. Même après sa rénovation en 2019, il ne dit rien sur Fukushima.

Les images renforcent la dualité inscrite dès l’émergence du nucléaire. Le célèbre champignon atomique est issu de photos Kodak prises lors des tests américains des années 1950 à des fins scientifiques pour étudier l’impact des explosions. Mais cette vision d’apocalypse a été contrebalancée dans l’imaginaire populaire par une image plus sereine et positive, celle de l’Atomium –en fait, un modèle de cristal de fer– à l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958. Le message était clair et presque annonciateur des nanotechnologies: l’atome est une brique pour construire un monde meilleur.

Pour domestiquer la violence propre au nucléaire dans le quotidien il faut encore des trouvailles de gestion administrative. Hibakusha est le terme officiel forgé au Japon pour désigner les personnes victimes des bombardements ou exposées aux radiations consécutives. Depuis 1957, c’est une catégorie juridique dont la définition est sans cesse révisée, pour déterminer qui a droit aux soins médicaux gratuits.

D’autres catégories bureaucratiques délimitent les zones géographiques d’exclusion, en fonction de l’intensité des radiations, pour établir qui a droit à un relogement, à des indemnités ou à un retour.

La banalisation du nucléaire repose donc, en premier lieu, sur des stratégies de démarcation faisant le partage entre bons et méchants, instaurant des seuils de dangerosité et des limites entre zones de sécurité et d’exclusion.

Normaliser et confiner

La banalisation du nucléaire repose également sur un important travail d’experts pour pacifier et contrôler les usages de l’atome. Dans les années 1950, après la concentration sans précédent d’experts au sein du projet Manhattan qui a conduit aux premières bombes, physiciens, chimistes, biologistes et ingénieurs jouissent encore d’investissements massifs pour maîtriser les réactions, choisir les matériaux, mesurer les impacts de la radioactivité sur la faune, la flore, le climat, comme sur la santé humaine.

Ces savoirs experts sont déployés dans un ensemble d’institutions de régulation et de contrôle, la plus célèbre étant l’Agence internationale pour l’Energie Atomique (AIEA). Fondée en 1957 pour promouvoir les usages pacifiques de l’atome tout en freinant les applications militaires, l’AIEA assume une double mission. Elle accompagne le développement du nucléaire civil, offre une aide technique, édicte des règles et des normes. En même temps, elle exerce une surveillance sur la prolifération des armes nucléaires à l’échelle internationale, souvent prise dans des jeux géopolitiques mouvants.

L’étroite surveillance des activités nucléaires s’étend à la production de radio-isotopes pour la recherche biomédicale ou pour le diagnostic et la thérapie. Ces sous-produits bénéfiques des infrastructures nucléaires militaires, «symboles de la promesse humanitaire de l’atome» sont largement médiatisés pour légitimer le nucléaire. En contribuant à sauvegarder des vies, les usages médicaux des radio-isotopes ont signé une forme de rédemption après les effets dévastateurs des bombes.

L’âge du nucléaire inauguré le 6 août 1945 dans une vision d’apocalypse a ainsi en quelque sorte été «civilisé» par les réseaux d’experts, la terreur sacrée faisant place au contrôle de la raison scientifique. Les systèmes nationaux et internationaux de régulation, avec leur production de normes techniques, leur contrôle des installations, leurs réseaux de surveillance de la radioactivité dans l’environnement sont les compagnons indispensables de la nucléarisation du monde.

La maîtrise du nucléaire exige aussi plus directement des mesures techniques de confinement pour empêcher la diffusion de matières radioactives dangereuses. Là encore, les experts sont maîtres à bord. A eux il revient de prévenir les accidents, de déterminer la probabilité d’un risque de fusion des réacteurs.

Quant à la gestion des déchets radioactifs, elle a d’abord été considérée par les experts comme un problème secondaire, facile à résoudre en se débarrassant de ces indésirables résidus de nos prouesses techniques dans la mer ou dans quelque contrée lointaine.

75 ans après l’entrée dans l’ère du nucléaire, aucune solution n’a été trouvée. C’est un problème techno-politique pris en charge par les gouvernements des pays engagés dans l’aventure nucléaire.Depuis sa création en 1979 l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) a établi une typologie des déchets en fonction de leur durée de vie et exploré plusieurs scénarios: l’enfouissement irréversible ou réversible, ou l’entreposage en surface. Mais ces déchets continuent à défier les stratégies de normalisation et de confinement qui ont présidé à la gestion des risques nucléaires.

Ce régime technocratique, souvent autoréférentiel, a néanmoins suscité des protestations dans les années 1970 surtout après l’accident de Tchernobyl.

Si la mise en place de réseaux de contre-expertise a pu altérer l’autorité des experts, elle n’ébranle que très partiellement les institutions garantes de la sûreté et de la sécurité nucléaire. Leur travail se poursuit, se renouvelle, se re-légitimise que ce soit pour prévenir les accidents, gérer leurs conséquences, organiser les activités de démantèlement ou proposer des solutions pour les déchets.

Déni et culture du secret

Le confinement de la radioactivité, des produits de réacteurs ou des déchets, s’accompagne d’un confinement des informations. La mise au secret ou l’invisibilisation d’une partie des activités nucléaires et de leurs effets sont caractéristiques de l’âge du nucléaire. Le silence a été imposé aux victimes d’Hiroshima et Nagasaki pendant l’occupation américaine du Japon: les données sur les victimes des bombes n’ont été partiellement rendues publiques qu’après 1955, face à une contestation internationale des essais atomiques.

Depuis 75 ans, les pratiques de rétention, de dissimulation et de déni des effets délétères du nucléaire se multiplient. Elles concernent les victimes des essais atomiques, les habitants des Iles Bikini et Marshall ou les vétérans, les travailleurs du nucléaire: ceux des «villages nucléaires» de Hanford aux États-Unis ou de Maiak en Union Soviétique, les mineurs africains, kazakh ou américains ou encore les  «nomades du nucléaire», ces ouvriers temporaires du nucléaire en France, au Japon et ailleurs.

Ces pratiques s’accompagnent d’une disqualification du vécu et des paroles des victimes, ajoutant à la violence physique, la violence symbolique du déni des souffrances. Les habitants de la région de Tchernobyl l’ont éprouvée, et 34 ans après, les controverses sur les victimes et les effets de cet accident industriel majeur continuent.

Surveillance, réglementations, culture du secret, de la sûreté et de la sécurité, tel est le prix à payer pour vivre dans un monde nucléaire. Le physicien américain Alvin Weinberg estimait en 1972 que l’on trouverait toujours des solutions techniques aux trois problèmes majeurs que pose l’énergie nucléaire, à savoir la sécurité des réacteurs, le transport des matières radioactives et le traitement des déchets radioactifs. Mais il ajoutait que « ce pacte faustien » avec l’atome a un coût social : accepter de vivre sous la tutelle du «clergé militaire» mis en place pour le contrôle des armes nucléaires et dont dépend notre survie.

En faisant d’Hiroshima un lieu de mémoire, un sanctuaire du pacifisme mondial, on n’a pas changé le cours de l’histoire. La peur d’une apocalypse nucléaire n’a pas suffi à entamer l’optimisme technologique d’un futur radieux. En 2020 l’aiguille du jugement inventée en 1947 par les savants atomistes pour alerter sur le danger d’un anéantissement de l’humanité est repositionnée sur deux minutes avant minuit comme au temps de la Guerre froide. Mais le nucléaire est si bien implanté dans le décor qu’on oublie sa présence, même si elle retient pour un temps l’attention des médias quand survient un accident ou une catastrophe. Face aux effets anesthésiants de ce curieux mélange de mémoire et d’oubli, il importe de s’interroger ce que le nucléaire a fait à nos sociétés comme à notre rapport au monde.

Nucléaire et CO2, le vrai du faux

 La rédaction

23 mai 2020

6 minutes de lecture

Centrale nucléaire

Article paru dans le N°3 du magazine Transitions & Energies.

Il ne s’agit pas de porter un jugement définitif sur le nucléaire. Simplement de remettre les choses au clair quant à l’atome et au climat. Les centrales nucléaires ne contribuent pas au réchauffement de la planète. Le nucléaire traîne son lot de fantasmes. Une hydre difficile à saisir, n’étant ni une énergie fossile, ni renouvelable. Dans l’imaginaire collectif, en tout cas pour 69% des Français selon un sondage BVA pour Orano (juin 2019), le nucléaire contribuerait au réchauffement climatique. Pour 10% des personnes interrogées, le pétrole et le gaz seraient moins en cause que le nucléaire. 11% pensent même que le charbon est plus propre que l’atome.

Et si on se plantait tous? «Le niveau de désinformation est très fort, estime Daniel Heuer, physicien, directeur de recherche au CNRS de Grenoble. Chaque fois qu’un politique ou un écologiste parlent du changement climatique, ils évoquent lutte contre l’effet de serre et sortie du nucléaire dans la même phrase. Or, ce n’est pas corrélé. les gens en déduisent que les émissions de CO2 sont dues au nucléaire. » Et qui sont les grands gagnants de cette intox ? Les 18-34 ans, étonnamment, et malgré le mal que certains Youtubeurs et Youtubeuses se donnent pour remettre les choses en place. Selon l’étude, les émissions liées au nucléaire correspondent en fait à 12 grammes par kWh produit (à peu près l’équivalent de ce que rejettent les éoliennes). Daniel Heuer corrige même ce chiffre à la baisse : « En France, c’est plutôt cinq ou six parce que l’enrichissement de l’uranium est fait par l’électricité nucléaire, qui n’émet pas de CO2. »

UNE IDÉE FIXE. Pour arriver à diminuer de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, la France s’est fixée des paliers chaque année et peine à respecter ses objectifs. En 2018 par exemple, les Français ont rejeté 445 millions de tonnes, soit 4,5 % de plus que l’objectif visé. Les transports et le secteur du bâtiment sont les plus à la traîne, selon l’Observatoire climat-énergie. Alors pourquoi cette idée fixe sur le nucléaire ? Il y a bien sûr la crainte généralisée du risque d’accident. Tchernobyl ou Fukushima laissent des traces. Face à ces traumatismes, que pèse un changement « lent », moins « spectaculaire », comme le réchauffement climatique ? C’est

 

La Chine dominera bientôt l’énergie nucléaire

 La rédaction

8 mai 2020

5 minutes de lecture

Les deux EPR de Taishan Chine

Au moment même où la filière nucléaire française ne cesse d’accumuler les déboires, l’industrie nucléaire chinoise accélère son développement et ne cache plus ses ambitions. Elle entend construire une centaine de réacteurs en quinze ans et prendre le leadership mondial sur les avancées technologiques.

La Chine a fait de l’énergie l’élément clé de sa stratégie de conquête industrielle. Après avoir pris des positions dominantes dans le solaire, l’éolien, la voiture électrique et notamment ses batteries, l’industrie chinoise n’a pas l’intention de s’arrêter là. Elle entend également devenir le numéro un mondial de l’hydrogène et du nucléaire en détrônant au passage dans ce dernier domaine la France.

Un article approfondi, publié très récemment par Le Monde de l’énergie, montre qu’au moment même où la filière nucléaire française ne cesse d’accumuler les déboires et est même lâchée par le gouvernement, l’industrie nucléaire chinoise accélère son développement et ne cache plus ses ambitions.

«La Chine a placé le nucléaire au cœur de sa transition énergétique vers les énergies propres et bas-carbone pour diminuer sa consommation d’énergies fossiles. Ce pays ambitionne tout simplement de se doter du plus grand parc nucléaire mondial dans les dix prochaines années. Son industrie est dorénavant prête au «grand bond en avant», y compris hors de Chine, avec le nouveau réacteur Hualong de troisième génération, et avec le CAP1400, un concurrent de l’EPR français», écrit Michel Gay.

La construction d’une centaine de réacteurs en 15 ans

La Chine est aujourd’hui le troisième producteur mondial d’électricité nucléaire derrière les Etats-Unis et la France avec 260 térawatt heures (TWh = 1 milliard de kWh) fournis par 47 réacteurs et une puissance installée de 49 gigawatts (GW). De plus, une dizaine de réacteurs sont aujourd’hui en construction. Mais le nucléaire assure encore moins de 5% de la production d’électricité chinoise qui approche les 7.000 TWh. Elle est issue principalement du charbon (plus de 60%). En comparaison, la France produit 500 TWh d’électricité dont 400 TWh d’origine nucléaire avec 58 réacteurs représentant 63 GW installés.

La Chine entend atteindre 10% d’électricité nucléaire en 2035, ce qui implique la construction de près d’une centaine de réacteurs en 15 ans (soit 6 à 8 réacteurs par an)! Elle deviendra alors de loin la première puissance mondiale du nucléaire civil. Cette ambition sera notamment assurée par le nouveau réacteur «Hualong» (Dragon). Il est le fer de lance du déploiement accéléré de centrales nucléaires sur le territoire chinois.

L’année 2019 a été décisive pour la filière nucléaire chinoise. Elle a mis en service 3 nouveaux réacteurs, dont le deuxième EPR de conception française à Taishan à 120 kilomètres au sud-ouest de Hong Kong. Les deux seuls EPR aujourd’hui en service dans le monde se trouvent en Chine, Taishan 1 est entré en service en décembre 2018 et Taishan 2 est en production depuis septembre 2019 (voir la photographie de la centrale de Taishan ci-dessus). Toujours en 2019,  la Chine a exploité sans incidents 5 réacteurs de troisième génération, les deux EPR et 3 réacteurs américains AP1000 à Sanmen et à Haiyang. Elle a aussi donné son feu vert à la construction de 6 nouveaux réacteurs dont deux Hualong. Enfin, le 3 décembre 2019, le premier Hualong construit à l’étranger est entré en service dans la centrale nucléaire de Karachi au Pakistan. Un deuxième réacteur est en construction sur le même site. L’accent mis sur le nucléaire transparait enfin dans une autre décision majeure prise l’an dernier par l’Etat chinois, la suppression des subventions d’Etat aux éoliennes et aux panneaux photovoltaïques.

L’Europe finira par acheter ses centrales nucléaires en Chine

Les prochains mois s’annoncent décisifs pour le nucléaire avec les conséquences de la pandémie de coronavirus sur l’économie chinoise et mondiale. Cette année, la Chine basculera du 13ème au 14ème plan quinquennal qui fixe les choix technologiques pour le nucléaire pour les 10 ou 15 ans à venir. Et Beijing n’entend pas s’arrêter là comme l’explique Le Monde de l’Energie. La République populaire a l’intention à la fois: de développer la fabrication de combustible MOX pour des réacteurs à neutrons rapides, de se doter d’un réacteur «rapide» au sodium CFR600 après le redémarrage du réacteur surrégénérateur CEFR (également à neutrons rapides au sodium), de commencer la construction du premier laboratoire souterrain pour le stockage géologique des déchets nucléaires, et de se lancer enfin dans la conception de petits réacteurs SMR «Small Modular Reactor» dédiés notamment au chauffage urbain.

Si ces développements sont bien lancés dans les prochains, l’avancée technologique française en matière de nucléaire sera très rapidement un souvenir. Et cela même si la France a joué un rôle important dans le programme nucléaire chinois depuis 35 ans. Avec les EPR de Taishan, avec la coopération sur une usine de recyclage des déchets et même avec la certification des réacteurs chinois Hualong construits à Bradwell au Royaume-Uni, les premiers réacteurs chinois construits dans un pays occidental.

Comme le résume Le Monde de l’énergie, «la Chine considère le nucléaire comme le seul type d’énergie susceptible de remplacer le charbon à grande échelle pour la production d’électricité et d’assurer la sécurité d’approvisionnement du pays.» L’industrie chinoise dispose aujourd’hui d’une capacité de fabrication de 10 réacteurs nucléaires par an et fournit aujourd’hui 85% des composants nécessaires. L’objectif est d’atteindre plus de 90% de fabrication locale et de disposer rapidement de normes purement chinoises.

Si l’Europe entend conserver une part de son électricité produite par des centrales nucléaires, qui émettent très peu de CO2 et contrairement aux renouvelables ne sont pas des sources intermittentes, elle pourrait à terme être condamnée à acheter ses réacteurs… en Chine.



Le risque de pénurie d’électricité est une réalité appelée à durer

 La rédaction

11 janvier 2021

6 minutes de lecture

Centrale nucléaire de Fessenheim

Les Français ont été appelés à la fin de la semaine dernière à réduire leur consommation d’électricité face à une vague de froid très modérée. Des décalages d’opérations de maintenance sur des centrales nucléaires liés au confinement et surtout des choix politiques à courte vue et les errements d’EDF ont conduit à cette situation. On peut citer pêle-mêle, la fermeture de Fessenheim, les retards répétés de Flamanville, une incapacité depuis des années à construire une stratégie énergétique cohérente, des développements peu maîtrisés dans l’éolien et le solaire… Ce qui se passe n’est une surprise pour personne et tient peu à la pandémie. RTE, le gestionnaire du réseau électrique, avertissait déjà en novembre 2019 des problèmes à venir pour plusieurs années. A force de retarder décisions et investissements et de faire des choix purement politiques…

On ne peut pas vraiment parler de surprise. Vendredi 8 janvier, compte tenu d’une vague de froid pourtant modérée, RTE (le gestionnaire du réseau de transport d’électricité), a demandé aux Français de réduire leur consommation d’électricité face à une menace de pénurie et d’éventuelles coupures. Dans un pays qui vient pourtant de connaître une baisse historique de sa consommation d’énergie et une récession d’une ampleur inégalée depuis plus de 75 ans… Dans un pays qui était encore il y a une dizaine d’années le premier exportateur d’électricité au monde et en Europe. Il n’y a pas meilleur exemple des errements depuis plusieurs années de la stratégie de transition énergétique et des erreurs accumulées par EDF.

Faire tourner à plein régime les centrales à gaz et à charbon et importer de l’électricité allemande… au charbon

Vendredi 8 janvier dans la matinée, comme le montre les graphiques publiés par RTE, la France a été contrainte d’importer jusqu’à 3.000 MW et de faire fonctionner à plein les 4 centrales au charbon qu’il lui reste et celles à gaz… Dans le même temps, le solaire et l’éolien assuraient à peine ensemble 2% de la production… On mesure bien la différence entre le potentiel théorique des énergies renouvelables (53.000 MW environ en France) et leur production effective un jour d’hiver sans vent et avec peu de soleil (moins de 3.000 MW).

Et ce n’est pas spécifique à la France en cette période de l’année. Dans la plupart des pays européens, il y a peu de soleil et peu de vent. Ainsi, l’Allemagne, en dépit de ses investissements massifs depuis deux décennies dans l’éolien et le solaire, produisait vendredi 8 mai dans la journée à peine 20% de son électricité avec des renouvelables.

Samedi 9 janvier, la situation était comparable même si l’activité économique était plus faible. Dimanche 10 janvier, toujours la même chose, des importations et de l’électricité provenant d’énergies fossiles en grande quantité, l’éolien et le solaire produisant tout de même un peu plus à savoir 8% au maximum en milieu de journée.

La pandémie a bon dos

En fait, la pandémie a bon dos. Bien sûr, elle a contribué à accélérer la survenue des problèmes en compliquant et retardant la maintenance de plusieurs réacteurs nucléaires. Mais sur le fond, le problème est identifié depuis plusieurs années même si rien n’a été fait pour y remédier, au contraire. Les 1.800 MW des deux réacteurs de Fessenheim auraient été bien utiles.

Il y a plus d’un an, en novembre 2019, bien avant la pandémie, RTE tirait déjà la sonnette d’alarme.Il annonçait, avec de multiples précautions, que l’arrêt annoncé des centrales à charbon, la fermeture définitive de la centrale nucléaire de Fessenheim (voir la photographie ci-dessus)  et les retards de l’EPR de Flamanville allaient réduire la capacité de production d’électricité en 2022 et 2023 ce qui permettrait tout juste de couvrir les besoins en période hivernale. Les problèmes commencent dès 2021… Et le plus difficile est encore à venir. Car seuls 7 réacteurs sont à l’arrêt aujourd’hui pour maintenance et ils seront 13 en février…

Le Comité social et économique (CSE) central d’EDF avait prévenu en octobre dernier dans un langage moins diplomatique que RTE. «La continuité de l’approvisionnement en électricité pour les mois de décembre 2020, janvier et février 2021 n’est pas sécurisée et dépendra uniquement des conditions climatiques… Face à une politique qui réduit les moyens de production d’électricité pilotables, il sera impossible en cas de période de froid (simplement comparable aux hivers 2018 et 2012) d’assurer l’équilibre du réseau électrique qui, à chaque seconde, doit permettre une égalité entre production et consommation», ajoute-t-il. Le CSE d’EDF s’en prenait au passage à RTE qui «commence à admettre les difficultés, mais compte sur les importations et les mesures d’effacement pour sauver le réseau de tout black-out. Une vision digne d’avant-guerre».

Des politiques énergétiques incohérentes

Tout cela montre l’incohérence des politiques énergétiques menées depuis plusieurs années qui reviennent, en dépit des discours sur la transition énergétique, à faire tourner aujourd’hui à plein régime des centrales utilisant des énergies fossiles du type gaz et charbon et à importer de l’électricité… au charbon allemande pour éviter les coupures. Et on demande aux Français et aux entreprises de limiter leur consommation et leur activité. Dans un pays qui a connu l’an dernier sa pire récession depuis plus de 75 ans… Pour rappel, le gaz émet 490 grammes de CO2 par kilowatt/heure produit, le charbon 820 grammes et le nucléaire 12 grammes.

Les capacités de production électrique dites pilotables, c’est-à-dire capables de produire à la demande, ne cessent de se réduire en France. Les capacités de puissance théoriques additionnant les sources pilotables et renouvelables n’ont aucune importance. Depuis 2012, elles ont augmenté en France et sont passées de 126 GW  à 133 GW. Mais tandis que les capacités renouvelables augmentaient, celles de production d’électricité dites pilotables, qui ne dépendent ni du vent ni du soleil, c’est-à-dire les centrales nucléaires, les barrages et les centrales thermiques, n’ont cessé de diminuer. Elles sont aujourd’hui tout juste dimensionnées pour pouvoir répondre à la demande dans des conditions dites normales, mais pas dans une situation «exceptionnelle» de grand froid en hiver et de programme de maintenance perturbé par les confinements.

Au cours des dix dernières années, la France a fortement réduit son parc pilotable. Les capacités fossiles (charbon et fioul notamment) ont été amputées de 8,7 GW et les capacités nucléaires de 1,8 GW avec la fermeture l’an dernier pour des raisons uniquement d’affichage politique des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim. Avec Fessenheim en service, la France aurait très certainement pu passer l’hiver dans de meilleures conditions… Mais le gouvernement n’a rien voulu entendre. Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, a même été jusqu’à expliquer que les risques de pénurie tenaient au fait que la production d’électricité en France était trop dépendante du nucléaire…

La transition demande plus d’électricité… pas moins

En fait, depuis plusieurs années, les gouvernements français ont pris le risque non maîtrisé de mettre en danger la sécurité d’approvisionnement électrique du pays sans être même efficace sur le plan climatique. Car il devient impossible de fermer les centrales à charbon comme cela était pourtant annoncé.

La seule parade qu’a trouvé aujourd’hui RTE consiste à utiliser une application baptisée Ecowatt et mise au point avec l’Ademe permettant de «consommer mieux et au bon moment». Il s’agit de demander aux Français de faire baisser la puissance de leurs radiateurs électriques ou d’attendre avant de faire fonctionner leurs machines à laver. Cela s’appelle du rationnement.

Si cela ne suffit pas, RTE envisage de demander à certains industriels de fermer des usines, de baisser la tension sur le réseau (ce qui peut affecter le fonctionnement de certains appareils) voire de recourir à des coupures «temporaires, anticipées, localisées et tournantes»…

Une situation aberrante quand ont sait que la transition énergétique et écologique ne peut se faire que par une utilisation accrue et élargie de l’électricité… notamment dans les transports, la chaleur et l’industrie. Cela s’appelle l’électrification des usages. Réduire de fait les capacités de production d’électricité en les rendant intermittentes et aléatoires, comme le fait le gouvernement depuis des années, est en contradiction avec la logique même de la transition. L’affaiblissement du système électrique français inquiète même depuis quelques temps l’Agence internationale de l’énergie.

EDF: en route vers la catastrophe

 La rédaction

14 janvier 2021

8 minutes de lecture

Ligne haute tension

Comment un des grands succès français technique et économique des Trente Glorieuses, une entreprise fournissant à tout le pays une électricité abondante et bon marché, s’est transformé en désastre à force de lâchetés et de compromissions. Le bien commun représenté par EDF est en passe d’être dilapidé pour des raisons idéologiques et d’autres encore moins convenables.
Article publié dans le numéro 7 du magazine Transitions & Energies.

La production et la fourniture d’électricité sont des vecteurs essentiels du monde dans lequel nous vivons. Les pays qui ne connaissent pas une électricité abondante et bon marché sont à la traîne sur tous les plans, éducation, industrie, culture, économie… et l’avenir semble accélérer l’utilisation de l’énergie sous cette forme dans la plupart des activités humaines. À cetégard, la reconstruction de la France après la dernière guerre avec le programme du Conseil national de la résistance (CNR) avaitune bonne vision en mettant en place EDF. Elle concentrait les compétences et les financements pour assurer un service universelde l’électricité avec le droit pour tout citoyen de recevoir l’énergie électrique quelle que soit sa localisation sur le territoire et aumême prix que tous les autres. Hauts fonctionnaires, dirigeants, ingénieurs, techniciens ont donc bâti au cours des dizaines d’années qui ont suivi une entreprise performante qui a servi d’exemple à la plupart des pays.

Une électricité abondante et bon marché

Sous l’impulsion du général de Gaulle, le programme d’indépendance nationale s’est structuré, d’abord avec la bombe atomique,puis l’utilisation civile de la physique nucléaire avec des centrales électriques qui ont fini par assurer 75% de la consommation électrique nationale avec la possibilité d’ex- porter aux pays voisins une énergie abondante et bon marché. C’est un des grands succès de la France qui à la fin du siècle dernier était, avec ses 58 réacteurs nucléaires, au sommet de la compétitivité pour l’ensemble de ses installations électriques avec, en plus du nucléaire, une excellence dans l’hydroélectricité et dans les centrales thermiques, charbon, fioul, gaz.

Les plus vertueux en terme d’émissions de gaz à effet de serre

EDF était ainsi une des premières sociétés mondiales avec un potentiel technique exceptionnel et des experts connus et reconnusdans tous les pays, on nous enviait partout d’avoir construit un outil remarquable. L’idée avait été de disposer d’un service public centralisé gérant l’ensemble de la filière et il n’y avait pas, à l’époque, de considérations sur le climat. Mais lorsque le débat sur le réchauffement climatique et les gaz à effet de serre est apparu, notre appareil électrique faisait de nouveau des jaloux puisque les centrales nucléaires n’émettent pas de CO2. Nous étions ainsi, avec le nucléaire et l’hydraulique, les plus vertueux en termes d’émissions!

Et pourtant, tout au long des vingt dernières années, nous avons déconstruit EDF et nous sommes désormais au bord de la catastrophe : les plus anciens ont pris leur retraite et sont dégoûtés, les plus jeunes se demandent vers où va leur entre- prise qui se démantèle de jour en jour sous la pression des règlements européens et des idiots utiles nationaux, administrations, écologistes ,et politiciens fâchés depuis longtemps avec la science et l’industrie.

Un outil détruit par vingt ans de lâchetés et de compromissions

Dès le départ des travaux de la Commission européenne, on a commencé à s’interroger sur la concurrence et ces services publics à la française irritaient la technocratie ambiante bercée par la théorie libérale. Si les administrations françaises n’ont pas résisté à la pression des Allemands et des Britanniques, c’est que EDF apparaissait pour beaucoup un État dans

 

États électriques contre États pétroliers

 La rédaction

25 janvier 2021

10 minutes de lecture

Thunderstorm wikimedia commons

Le 21ème siècle sera celui de l’électricité et de l’électricité décarbonée. Les puissances électriques prendront le pas sur les puissances pétrolières. La France est un Etat électrique, une puissance dans l’énergie nucléaire. Le démantèlement d’EDF qui menace serait une erreur majeure. Il ferait perdre à la France, et au plus mauvais moment, son atout majeur pour garantir son indépendance énergétique et technologique. 
Article paru dans le numéro 7 du magazine Transitions & Energies.

Le 20ème siècle aura été celui du pétrole. L’or noir a alimenté les économies, les guerres, la société de consommation, les voitures, les avions, les navires et bâti les rapports de force géopolitiques. Le 21ème siècle changera tout cela. L’accélération de l’histoire créée par la pandémie permet d’ores et déjà de voir s’amenuiser ce qui faisait la puissance des États pétroliers. Il ne s’agit évidemment pas d’évolutions rapides, plutôt de tectonique des plaques. Les énergies fossiles représentent encore près de 85% de la consommation d’énergie primaire dans le monde, mais leur déclin semble maintenant inéluctable. Un nouvel ordre énergétique mondial commence à prendre forme sous nos yeux. Cela lui prendra des décennies pour se mettre en place et autant de temps pour distinguer avec certitude les gagnants et les perdants. L’échelle des transitions énergétiques est le demi-siècle. Mais la machine est lancée. Elle a pour nom solaire, éolien, hydrogène, biocarburants, carburants de synthèse, géothermie, hydraulique, nucléaire, capture du CO2… Le gaz naturel fera encore longtemps parti de l’équation tandis que le déclin d’abord du charbon et ensuite du pétrole semble écrit.

Nouvel ordre énergétique mondial

Bien sûr, le fameux peak oil ou pic pétrolier n’a rien à voir avec ce que nous ont annoncé à plusieurs reprises les prophètes de malheur depuis le Club de Rome et les années 1970. Les collapsologues d’alors nous promettait un monde qui allait subitement manquer de pétrole et plonger dans le chaos. L’annonce de la fin du monde a toujours irrésistiblement marqué les imaginations et fasciné les opinions. Ce scénario de peak oil est même redevenu à la mode il y a une dizaine d’années. Mais la rupture technologique créée par le pétrole de schiste et le retour totalement inattendu des États-Unis à la place de premier producteur mondial l’ont balayé. Un nouveau scénario de fin du pétrole a vu le jour. Cette fois, il ne viendrait pas d’une insuffisance de l’offre mais d’un déclin progressif de la demande.

Cette hypothèse, notamment développée par Michael Liebreich, le fondateur du très  influent  Bloomberg  NEF (New Energy Foundation), semble se mettre en place sous nos yeux. Même la première compagnie pétrolière mondiale, la saoudienne Armaco et le géant américain Exxon Mobil s’y préparent.

Le nouvel ordre énergétique mondial sera porteur, comme toujours, de promesses et de risques. Il devrait per- mettre, d’abord, de stabiliser et ensuite de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les prophètes de malheur affirment qu’il sera trop tard pour éviter de trop grands dérèglements climatiques, mais l’ampleur des transformations à effectuer et l’inertie de l’économie mondiale rendent quasiment impossible la possibilité d’aller plus vite. On ne remplace pas dix milliards de tonnes d’énergies fossiles consommées par an dans le monde par des leçons de morale.

Ne pas passer d’une dépendance à l’autre

L’affaiblissement progressif d’une grande partie des États pétroliers sera à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Il s’agit la plupart du temps de régimes autoritaires, corrompus et corrupteurs. La malédiction de la rente pétrolière est une sombre réalité. Mais la déstabilisation de pays et même de régions du monde ne sera pas sans risques.

L’autre péril est celui qui peut naître du fait de passer d’une dépendance à une autre. La bascule du pouvoir énergétique des États pétroliers vers les États électriques. Or, l’État électrique par excellence est la Chine. Sa stratégie consiste à dominer toutes les industries de l’électrification (solaire, éolien, batteries et bientôt nucléaire).

La  Chine  produit  aujourd’hui  72%  des  panneaux solaires, 69 % des batteries lithium-ion, 60 % des terres rares et 45% des turbines d’éoliennes. Elle est le premier marché mondial des véhicules électriques. Elle va devenir, de loin, la première puissance nucléaire civile et projette de construire plus de 100 réacteurs nucléaires au cours des quinze prochaines années. Les deux seuls réacteurs EPR de dernière génération fonctionnant aujourd’hui au monde sont en Chine, pas en France qui les a pourtant conçus. À chaque fois ou presque, la recette chinoise est la même. Apprendre la technologie étrangère, investir ensuite massivement et imposer avec toute la force d’un régime autoritaire le déploiement sur son sol à une très large échelle. Après, plus aucun concurrent ne peut résister à la guerre des prix menée par son industrie.

 

Pas de transition possible sans électrification des économies et des modes de vie

 La rédaction

9 février 2021

4 minutes de lecture

Ligne haute-tension wikimedia commons

Les scénarios de la transition énergétique s’appuient tous, sans exception, sur une augmentation rapide de la consommation et des usages de l’électricité dans le monde. L’électrification concerne aussi bien les transports que la chaleur et la climatisation des bâtiments, et même l’industrie. Article paru dans le numéro 7 du magazine Transitions & Energies.

Un des principaux moyens pour se passer des énergies fossiles consiste à les remplacer, quand cela est possible, par de l’électricité bas carbone. La production d’électricité dans le monde dépend encore très largement des fossiles, notamment du charbon (37%) et du gaz (24%). Mais elle offre aujourd’hui la possibilité d’être de plus en plus «facilement» décarbonée. C’est le cas grâce aux technologies renouvelables comme l’hydraulique, le solaire, l’éolien, la géothermie et à l’énergie nucléaire. La France est bien placée pour le savoir qui est un des pays au monde où la production d’électricité émet le moins de gaz à effet de serre grâce avant tout au nucléaire et à l’hydraulique qui assurent autour de 85% de sa consommation.

L’utilisation de l’électricité s’étend à de nouveaux domaines

Les scénarios de la transition énergétique s’appuient tous, sans exception, sur une augmentation rapide de la consommation et des usages de l’électricité. C’est-à-dire sur le fait que l’utilisation de l’électricité va s’étendre à de nouveaux domaines ou s’accroître dans les domaines déjà existants. Le seul obstacle serait une augmentation trop importante des prix de l’électricité décarbonée la rendant trop peu compétitive face aux énergies fossiles.

L’électrification concerne les transports, la chaleur et la climatisation des bâtiments, et l’industrie. Selon une étude récente du cabinet d’études allemand Roland Berger, la part de l’électricité dans les transports devrait passer de 1% en 2000 à 13% en 2040, celle dans l’industrie de 19 à 28% et celle dans le bâtiment de 24 à 53%.

Plusieurs facteurs

Pour France Stratégie, les pénuries d’électricité seront permanentes en Europe d’ici 2030

 La rédaction

19 janvier 2021

6 minutes de lecture

Bougie wikimedia commons

L’Europe de l’électricité va dans le mur. Sans se concerter, tous les pays européens ou presque ont adopté la même stratégie. Elle consiste à remplacer des moyens de production d’électricité dits pilotables par des renouvelables intermittents et aléatoires. En conséquence, selon une étude très récente et alarmiste, France Stratégie estime que dès 2030 et sans doute même avant le réseau électrique européen «ne pourra plus faire face à toutes les demandes de pointe moyenne». En clair, les pénuries et les coupures seront fréquentes. Un appauvrissement généralisé.

A son tour France Stratégie, organisme de prévisions rattaché aux services du Premier ministre, met en garde contre la fragilité grandissante des systèmes électriques en Europe. Ils sont victimes d’une stratégie presque généralisée sur le continent qui consiste à ne cesser de diminuer les capacités de production électrique dites pilotables pour les remplacer par des renouvelables intermittentes et aléatoires. L’objectif, louable, est de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais il ne sera jamais atteint si les systèmes électriques sont incapables de répondre à la demande et de faire face à des besoins d’électricité qui ne peuvent qu’augmenter. En tout cas, à force de ne pas vouloir admettre les fragilités  créées par les renouvelables, France Stratégie prévoit qu’en cas de forte demande et de situations exceptionnelles, le système sera  incapable de faire face. Cela créera au mieux des pénuries fréquentes, des coupures de courant et au pire des black-outL’Europe vient déjà d’échapper le 8 janvier dernier à un black-out et la situation devrait devenir encore plus difficile à gérer d’ici 2030. Avec tous les problèmes de sécurité que cela pose…

«L’électricité ne se stocke pas ou très mal…»

France Stratégie rappelle dans son étude publiée le 15 janvier que «les bons choix technico-économiques doivent avoir été effectués de telle sorte que le système électrique ait une composition (un «mix») en adéquation avec la consommation qui, rappelons-le, varie en permanence, alors que l’électricité ne se stocke pas, ou très mal, ou à des coûts encore très élevés.» L’organisme ajoute que les systèmes électriques européens étant interconnectés, c’est à cette échelle qu’il faut analyser les capacités de production. Et la situation est préoccupante. Si une concertation européenne existe sur le plan technique, il n’y a aucune coordination entre les politiques et les choix de modes de production de l’électricité. Chaque Etat membre ne se soucie que de sa stra(épie propre. Et plus grave encore, chacun compte sur les autres pour lui permettre de faire face aux insuffisances de son propre système électrique…  Quand tout le monde parie exclusivement sur les renouvelables, l’interconnexion européenne ne fait qu’amplifier les risques… Au total, plus de 110 GW de puissance pilotable devraient être retirés du réseau européen d’ici 2030-2035. Ils se répartissent en 23 GW de nucléaire (dont environ 13 GW en France et 10 GW en Allemagne), 70 GW de charbon/lignite (dont environ 40 GW en Allemagne) et 10 GW de gaz ou fioul. Si l’Allemagne et la France totalisent près des deux tiers de ces déclassements, la Belgique, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne ont fait des choix similaires. Dans le même temps, les capacités installées en ENRi (Energies renouvelables intermittentes) deviendront très importantes. Avec environ 400 GW, elles devraient dépasser peu après 2025 celles des moyens conventionnels (grand hydraulique inclus). Mais 1 GW d’ENRi n’a en fait rien à voir avec 1 GW de puissance pilotable car sa capacité à être mobilisé lors des situations de tension du système électrique n’est pas du tout garantie. Elle dépend du vent et du soleil. Pour France Stratégie, les risques sont considérables. «Dès 2030 et vraisemblablement à une date plus rapprochée, si les tendances actuelles se maintiennent, les seuls moyens pilotables ne seront pas en mesure de satisfaire toutes les demandes de pointe moyennes...».

La France se trouvera dans une situation particulièrement fragile et pas seulement en hiver

Et comme le problème est européen, il n’a strictement rien à voir, comme l’affirme et le répète pourtant Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, avec le fait que la France a un système électrique dominé par le nucléaire. Il s’agit même d’un facteur de stabilité à l’échelle européenne. Mais il est difficile pour les écologistes de renoncer à ce qui est leur identité et leur origine, à savoir le combat contre le nucléaire, même si cela met à mal la stratégie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

En France, les situations de tension se produisent aujourd’hui généralement lors des pointes de consommation, qui, en raison de la proportion importante de chauffage électrique, ont lieu les soirs d’hiver. Mais elles pourraient devenir bien plus fréquentes. «Les situations de tension pourront donc également survenir lors des creux de production, en particulier éolienne, et cela en toute saison et à toute heure de la journée. Ce que l’on nomme «paysage de défaillance »est donc susceptible d’évoluer dans les prochaines années, mettant à l’épreuve les solutions traditionnellement disponibles…», écrit France Stratégie. La France en fermant une partie de son parc nucléaire et en interdisant le fonctionnement des centrales thermiques se retrouvera dans une situation particulièrement à risques. «Sans développement de flexibilités supplémentaires, notre pays devrait alors compter sur les importations, sachant qu’au niveau européen les marges sont également négatives, qu’il ne sera pas toujours possible de compter sur les importations  pour boucler l’équilibre offre-demande, et, faut-il le rappeler, que tous les pays ne pourront pas importer en même temps 100% de leur capacité d’interconnexion», conclut France Stratégie.

On peut d’ores et déjà dire que le niveau de risque en matière d’approvisionnement en électricité, fixé par l’Etat et défini dans la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) d’avril 2020, de trois heures par an, est totalement irréaliste.

Un débat indispensable et pourtant occulté

France Stratégie appelle à une prise de conscience rapide et met en garde «… sur les nombreux arrêts de centrales pilotables, au charbon ou nucléaires, actuellement programmés et dont les conséquences concrètes semblent assez peu intégrées dans le débat public… les solutions en termes de pilotage et de maîtrise de la demande, de capacités de stockage et, plus généralement, de flexibilité et d’intégration au réseau restent à l’heure actuelle insuffisamment développées.».

«Alors que l’électricité est un bien particulier, essentiel à la continuité de la vie de la Nation, la situation du système électrique réclame à moyen terme des mesures ambitieuses pour garantir un accès fiable et abordable à une électricité décarbonée.»

Cette réflexion est d’autant plus nécessaire que pour mener la transition, l’électricité devra satisfaire une part croissante des besoins en énergie. En France, l’électricité assure aujourd’hui près de 25% de la demande finale d’énergie et devra en satisfaire 54% en 2050. L’Union européenne affiche pour sa part un objectif de 50%. On n’en prend pas vraiment le chemin…

Quelles seront les conséquences de l’installation de 15.000 éoliennes en France d’ici 2035

 

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La création de l'univers à nos jours
  • Il est intéressant de connaître l'évolution de notre monde, et combien de temps peut-il encore nous supporter, nous devenons de plus en plus nombreux sur cette terre, peut-être seront-nous obligé un jour de la quitter...
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